Grimper tout en haut
L'année dernière, déjà, cette ascension était prévue.
Quelques filles, quelques copines, plus ou moins préparées, plus ou moins motivées, mais ensemble, décidées a monter tout en haut du Mont Fuji.
Et puis, finalement, une baisse de motivation pour l'une, un genou qui flanche pour l'autre, pas mal de fatigue accumulée chez chacune depuis les retours de France, les décalages horaires, les réveils des bébés la nuit,.....
Je m'étais faite a l'idée que ce n'était pas si important cette ascension, "on ne peut pas toujours tout faire", et puis l'homme de la maison l'avait fait, lui, il y a deux ans, avant la naissance de la minuscule dame alors on avait les photos, les récits, les anecdotes.
C'était presque suffisant.
Ces moments la parfois, c'est tout aussi réjouissant de les vivre par procuration, on a l'impression d'avoir été la, de l'avoir un peu vécu mais les efforts et l'épuisement en moins.
Alors, quand, dans le petit parc devant l'École du petit monsieur, un petit groupe s'est mis a parler d'une ascension très proche, je ne sais plus par quel concours de circonstances, je me suis retrouvée en quelques minutes comme projetée dans leur projet et déjà convaincue de les accompagner avant même d'y avoir réfléchi.
Parce que c'est comme porter, au moins une fois, un vrai kimono, manger des beignets au haricot rouge ou des nouilles japonaises au petit déjeuner, ou encore s'endormir en quelques minutes dans le métro, je ne pouvais pas quitter le Japon sans l'avoir fait.
Une semaine, il me restait moins d'une semaine pour me préparer, vérifier l'équipement, se reposer un peu et se préparer psychologiquement, le mal des montagnes me faisait tout de même un peu peur.
Et puis après une semaine comme les autres, la journée du vendredi avait un goût particulier, parcourue de long en large par une petite boule a l'estomac, de celle que l'on a avant les examens importants, les rendez-vous déterminants...
Équipés, après une bonne heure et demie de voiture pour rejoindre la station 5, une petite heure pour s'acclimater au 2305 mètres d'altitude de cette même station, nous avons démarrés, lampe frontale bien fixée, bâton a la main et ravitaillement dans le sac a dos.
Commencèrent 5 heures de marche jusqu'à la 8ème station, celle de notre refuge.
Nous y dormirons finalement qu'une petite heure pour être surs de voir le lever du soleil du haut du mont : finalement a 5 heures du matin, nous n'étions pas tout a fait en haut mais heureux de découvrir la couleur du sol, foule la nuit sans savoir...
Rouge, noir, peu importait, il nous restait 1 heure et demie avant le sommet et nous n'avions pas fait tout ça pour manquer de courage dans le dernière montée.
Dormir un peu sur les bancs en bois en attendant les autres, ne pas être dérangée par grand monde en ce dernier week-end d'ouverture des refuges qui marque la fin de la saison, regarder le cratère, seule, absolument seule pour se préparer a la descente...
Se dire que forcement, même si les articulations vont beaucoup souffrir, ce sera maintenant beaucoup plus facile...
Se laisser porter par la descente, se laisser porter, parfois déraper, par les cailloux mais prendre le temps de regarder la couleur des fleurs, la forme des pierres volcaniques, en oublier toutes les longues heures de la veille et être pressée de le raconter, de lui dire, a lui, qu'on a réussi, sans avoir mal, sans craquer, sans râler, et même lui avouer que la marche de nuit a été une révélation, un vrai plaisir.
Puis un peu perdue dans ses pensées, se rendre compte qu'on est perdue tout court, qu'on s'est trompée de chemin, de descente et qu'il va falloir trouver une solution.
La solution la plus simple est la plus raisonnable restera de descendre par ce mauvais chemin jusqu'au bout et d'aviser en bas.
Mais en bas, c'est vraiment en bas, beaucoup plus bas que l'endroit de départ, et puis de l'autre cote surtout, a une heure et demie de voiture...
Impossible de remonter, difficile de faire le tour dans un pays qui n'est pas le notre, inconcevable d'attendre plus de trois heures le prochain bus et la, pour la première fois, se dire que ça y est, on est vraiment perdue, loin des autres, loin des siens, qu'il va peut-être falloir appeler Tokyo et leur dire qu'on rentrera plus tard, clame et sereine, peut-être....
Puis finalement, aidée par le garde chasse qui essaie de trouver une solution pour nous rassurer, croiser le regard d'un jeune couple, ému par notre petit sourire, embue un peu de larmes, il faut bien le dire....
Ne pas savoir comment les remercier de bien vouloir accepter de nous ramener au bord du lac, ou les autres pourront venir nous chercher, mais accepter tout de suite, sans perdre de temps.
Reste alors l'attente de ceux qui ne se sont pas trompe, pas encore tout a fait descendus, sans localiser vraiment les endroits qui font un peu mal, sans trop comprendre l'heure qu'il est, sans même se demander si on faim ou pas alors que le dernier vrai repas remonte a...on ne sait plus.
Dormir dans la voiture, un peu, et se retrouver a Tokyo, heureuse de les retrouver, le petit monsieur et la minuscule dame, restes avec leur papa depuis le veille, avoir l'impression de les avoir quittes tous les trois des jours et des jours et avoir plein de choses a raconter comme après les colos quand on était enfant, sans savoir par quoi commencer.
Enfin, finalement si, laissant la modestie de cote, commencer par dire qu'on est super fière, que ce n'était pas si dur et qu'on ne pouvait pas partir sans l'avoir fait.
Si, aujourd'hui, les jambes sont encore un peu lourdes et que les escaliers ont été, ce week-end, durs a descendre, se dire et de redire que cela aurait été dommage de ne pas vivre une telle aventure...